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Regard sur le tout premier Forum Africain de l’ESS a Yaounde au Cameroun

L’économie sociale et solidaire, qui trouve en Afrique un terreau fertile pour son expansion, bénéficie de plusieurs opportunités favorables à son développement, avec des politiques publiques et de nouvelles lois d’encadrement des écosystèmes déjà expérimentées dans certains pays. Ce constat à lui seul ne suffirait pas pour penser la réalité d’une ESS transformatrice impulsant véritablement le changement dans le vécu des acteurs dans les localités et dans les pays. Parler du potentiel ne suffisait plus, encore moins avoir des démarches isolées sur le continent et réduire le traitement de l’économie sociale et solidaire à quelques « personnes » qui se croyaient les mieux indiquées à en parler. Le déclic se produit à Dakar lors des rencontres mondiales du GSEF où les réseaux de femmes d’Afrique centrale et de l’Ouest ont décidé lors du pré-forum Femm’ESS de créer des synergies pouvant faire converger leurs énergies. L’idée de tenir un forum africain en une année semblait difficile pour plusieurs qui semblaient faire fi de l’adage qui consacre la volonté de la femme ! il y a toujours un homme dans le sillage qui écoute, qui encourage et qui rejoint la dynamique, tel est parti l’engagement pour la préparation du tout premier.

Le premier forum africain sur l’économie sociale et solidaire (FORAESS), à Yaoundé du 28 mai au 1ier juin, a réuni des participants venus de 32 pays pour un moment de partage de pratiques, d’expériences, de politiques et de visions à travers la collaboration et la coopération pour la construction d’un mouvement africain inclusif, équitable, solidaire et centré sur les personnes, a permis la réflexion sur une plateforme interafricaine pour l’accompagnement et la promotion de l’ESS à travers des actions concrètes. Ce premier forum s’est aussi donné pour objectif d’impulser le développement de politiques structurantes dans les territoires au service de l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD). Les travaux ont suscité une réflexion continentale multi acteurs, pour une économie sociale et solidaire de construction. L’objectif étant d’aboutir à un partage et une impulsion des dynamiques panafricaines économiques selon les contextes à partir d’une approche « bottom-up » axée sur le modèle des réseaux locaux de l’ESS (RELESS) déjà en cours au Cameroun ainsi que d’autres modèles développés dans des pays tels que le Sénégal, le Maroc et autres.

Les conclusions du pré-forum JEUN’ESS 2024 tenu le 28 mai 2024 proposent la promotion des modèles économiques inclusifs, durables, et équitables qui mettent l’accent sur la coopération, la solidarité, et l’innovation sociale en 7 points dont les plus saillants portent sur les orientations des politiques éducatives, intégrant ainsi l’économie sociale et solidaire dans les programmes d’enseignement et de formation professionnelle. L’enseignement et l’apprentissage collaboratif peuvent être à cet égard des outils indispensable pour l’appropriation des démarches. La facilitation du concept de « Citoyenneté Bâtisseuse » à travers les territoires pour des jeunes engagés dans la structuration d’un écosystème d’entrepreneuriat coopératif, fiable et viable a également été retenue par ces jeunes dans leur réflexion.  Pour conclure, ils ont convenu de la mise en place des mécanismes à la fois nationaux et panafricains de mobilisation des financements et de recherche de fonds pour l’appui aux initiatives de jeunes qui s’engagent dans la dynamique de l’économie sociale et solidaire dans différents pays.

Les participants se sont accordés à faire du FORA’ESS un mécanisme panafricain œuvrant au renforcement de la connaissance, la reconnaissance et la représentation de l’ESS partout en Afrique en vue de mieux profiter de son potentiel d’innovations et de résilience. Les gouvernements locaux ont proposé le renforcement des écosystèmes territoriaux favorables à l’ESS et l’implication accrue des acteurs de l’ESS dans les dynamiques territoriales de gouvernance et de développement local. Une volonté manifeste exprimée dans la déclaration finale de convergence entre les universités, le monde de la recherche et de la formation ainsi que des praticiens d’ESS à travailler pour une co-construction de connaissances et une valorisation des expériences à travers un observatoire africain de l’ESS destiné, en tant que pôle technique du FORA’ESS, à produire des évidences scientifiques basées sur la méthodologie ethnographique.

Le forum de Yaoundé a également été marqué par la volonté forte de mise en synergie des forces d’accompagnement mobilisable au-delà du continent telles que les diasporas, les afro- descendants et les initiatives Economie Sociale et Solidaire dans les territoires africains. Favoriser les conditions de mise en place d’une plateforme africaine multi-acteurs dans le cadre de l’économie sociale et solidaire et se doter d’un espace d’échanges, de partage d’idées et de systématisation des modèles économiques à notre portée.

L’immersion des participants dans un réseau local de l’économie sociale et solidaire (RELESS) a permis à plusieurs participants de comprendre l’approche systémique adoptée par le gouvernement camerounais à travers la structuration de chaque localité du pays. Elle consiste en la dynamisation des activités menées par des acteurs locaux qui se structurent en coopérative par filières ou par secteurs d’activités. D’autres modèles ont également été visités pendant les travaux tels le FODEM (Fonds de Développement et de Solidarité Municipal) au Sénégal ou encore des coopératives féminines et la normalisation au Maroc.

L’objectif prioritaire de l’après forum réside aujourd’hui sur la construction d’une économie inclusive dans les différents pays africains, une économie qui ne laisse personne sur le bas-côté et qui sont à la portée de tous les acteurs, même les plus fragiles dans un continent où l’on parle sans cesse de croissance économique et où paradoxalement la précarité est galopante. Construire c’est adopter une structuration systémique qui implique la contribution de toutes les parties engagées, les institutions pour la mise sur pied de cadres facilitants, les collectivités territoriales pour l’accompagnement local et les acteurs eux-mêmes pour l’auto organisation. La proposition de la création d’un incubateur « GOUMI » presenté lors des travaux est une démarche concrète qui prend forme et qui mobilise des expertises dans divers domaines partant de celles qui étaient présentes lors du forum ou qui l’ont suivi à distance.

Plusieurs défis se posent cependant à cette co-construction parmi lesquels la mobilisation des ressources de tous ordres pour atteindre les objectifs ambitieux fixés par les participants.

La première des ressources étant humaine, les porteurs de cette dynamique s’attèlent à mobiliser tout potentiel humain pouvant venir en accompagnement de cette construction. Les ressources financières également, une réflexion est engagée pour mobiliser les moyens nécessaires à la construction d’une telle dynamique continentale.

L’Afrique doit miser sur le capital humain dynamique composé de femmes et de jeunes dont elle regorge pour développer des solutions économiques à sa portée à travers la valorisation du potentiel endogène de ses territoires. Le dynamisme des femmes a été mis en exergue tout au long de ces rencontres comme l’exemple des femmes de Centrafrique qui ont lancé, lors de la préparation de ce forum le mouvement de convergence sur la base d’un cri de ralliement « IGWE » qui signifie « allons-y ». Relevons ici le contexte particulier de ce pays qui sort à peine de plusieurs années de conflits armés et qui fondent leur résilience sur l’ESS pour reconstruire une cohésion et une économie inclusive. Une autre figure de cette volonté féminine, concerne cette jeune femme camerounaise Myriam qui, bravant la situation d’extrême insécurité dans la région du Nord-Ouest du Cameroun minée par des sécessionnistes a su structurer les RELESS dans des localités où sévissent des bandes armées.

Mention spéciale aussi à ces femmes et ces hommes venus solidairement d’autres continents et pays aussi lointains que le Costa Rica, la Colombie, le Brésil, le Canada, l’Europe enrichir les travaux de cette première en Afrique, preuve que l’ESS ne pose aucune limite et invite à la solidarité et à la cohésion au-delà des frontières !

Le FORAESS nous l’a démontré à suffisance.

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