Divers documents émanant d’importantes organisations internationales en sont venus à considérer les entreprises sociales comme faisant partie intégrante de l’économie sociale. Citons par exemple le Plan d’action 2021 pour l’économie sociale (SWD/2021/373 final) (PAES) de la Commission européenne, la résolution de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur le travail décent et l’économie sociale et solidaire, la recommandation de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur l’économie sociale et solidaire et l’innovation sociale (OECD/LEGAL/0472), toutes deux à partir de 2022, et la résolution des Nations unies sur l’économie sociale et solidaire pour le développement durable (A/RES/77/281), à partir de 2023.
Le PAES souligne que « les entreprises sociales sont désormais généralement considérées comme faisant partie de l’économie sociale ». La résolution de l’OIT précise que « selon les circonstances nationales, l’Économie Sociale et Solidaire comprend les coopératives, les associations, les mutuelles, les fondations, les entreprises sociales, les groupes d’entraide et d’autres entités fonctionnant conformément à leurs valeurs et à leurs principes » (II.5).
La Recommandation de l’OCDE propose à ses membres et adhérents de concevoir des cadres légaux et réglementaires adaptés à l’économie sociale et solidaire, en soulignant la nécessité de « reconnaître et promouvoir, lorsque cela est opportun, différentes formes juridiques pour les organisations de l’économie sociale, notamment les nouveaux types comme les entreprises sociales » (3.c).
En ce qui concerne le champ d’application de l’économie sociale et solidaire, la Résolution des Nations Unies reconnaît la diversité internationale, mais souligne que le secteur comprend indubitablement les coopératives, les associations, les mutualités, les fondations, les entreprises sociales, les groupes d’entraide et d’autres entités qui opèrent selon leurs valeurs et principes.
Le concept d’entreprise sociale est apparu au début des années 1990, associé à des dynamiques entrepreneuriales non conventionnelles, pour faire face aux nouveaux défis émergés avec la crise de l’État social, à savoir la difficulté progressive d’obtenir des ressources suffisantes pour répondre aux besoins sociaux croissants, ainsi que l’incapacité des politiques macroéconomiques et de l’emploi traditionnelles à répondre aux nouveaux besoins sociaux, notamment en matière d’emploi, de participation et de protection sociale.
La mise en œuvre de ces dynamiques entrepreneuriales a varié en fonction du système juridique, allant de la création de formes juridiques spécifiques en adaptant le modèle coopératif, mutualiste, associatif ou de fondation, à l’utilisation de formes juridiques existantes, y compris les formes juridiques utilisées par les entreprises conventionnelles, telles que la société à responsabilité limitée ou la société anonyme, ou des solutions législatives prévoyant un statut juridique qui peut être acquis par différentes formes juridiques, des organisations à but non lucratif aux organisations à but lucratif.
Dans ce mouvement, le rôle des institutions de l’Union européenne mérite d’être souligné. Par le biais de diverses initiatives, elles ont conçu le concept d’entreprise sociale en dialogue avec le concept déjà consolidé d’économie sociale.
L’une de ces initiatives est la « Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Construire une économie au service des personnes : un plan d’action pour l’économie sociale (PASE) ». Ce document reconnaît clairement, d’une part, la nature holistique de l’économie sociale, compte tenu de la diversité des formes juridiques qui composent ce secteur et, d’autre part, l’option claire pour une délimitation ouverte des entités qui composent le périmètre de l’économie sociale. En effet, outre les formes juridiques correspondant au catalogue traditionnel des familles de l’économie sociale (coopératives, mutuelles, associations et fondations), le PAES place dans ce périmètre les entreprises sociales ayant la forme juridique de sociétés commerciales.
Les voies suivies dans les différents pays qui ont déjà légiféré sur les entreprises sociales sont essentiellement de deux ordres : la création de lois spéciales pour réglementer les entreprises sociales (solution adoptée en Finlande, au Royaume-Uni, en Slovénie, au Danemark, au Luxembourg, en Italie, en Lettonie, en Slovaquie, à Chypre et en Lituanie) ; ou l’intégration des entreprises sociales dans les lois sur l’économie sociale (solution adoptée en France, en Grèce et en Roumanie). Quelle que soit la voie suivie, il est reconnu qu’il n’existe pas de forme juridique unique pour les entreprises sociales, qui peuvent opérer sous la forme de coopératives sociales, de mutuelles, d’associations, de fondations ou de sociétés commerciales.
D’une manière générale, et en tenant compte de cette mosaïque législative et des différents documents internationaux et de l’Union européenne, les entreprises sociales doivent être comprises comme des entités de nature privée, autonomes et indépendantes de l’Etat (bien qu’elles puissent compter sur la participation d’entités publiques), qui intègrent nécessairement trois dimensions – sociale, économique et de gouvernance – et qui sont régies par les principes directeurs de l’Economie Sociale, étant ainsi intrinsèquement liées à ce secteur.
L’entreprise sociale poursuit en priorité une mission sociale claire qui, conformément à la législation française, doit être reflétée dans ses statuts et qui se traduit par la poursuite de l’intérêt général de la société et/ou l’intégration professionnelle des personnes ayant des difficultés d’employabilité. En ce qui concerne les législations polonaise et italienne, cette mission sociale se matérialise par le développement d’activités spécifiques ayant un impact social, dans les domaines des services et biens sociaux, de la culture, de l’environnement, de l’éducation, de la préservation, de la cohésion territoriale et du développement local. Étant donné qu’elles ne cherchent pas à maximiser le profit comme objectif principal, mais plutôt à utiliser efficacement les ressources disponibles pour poursuivre des objectifs d’intérêt général, un pourcentage des bénéfices doit nécessairement être réinvesti dans la mission sociale, dans les conditions prévues par les statuts (ces pourcentages vont de 50 % dans la législation italienne à 80 % à Chypre).
La forme d’organisation et de propriété doit être fondée sur des principes démocratiques, participatifs, transparents et responsables. Le modèle organisationnel adopté doit garantir la participation et la représentation des partenaires, des travailleurs, des clients et des autres parties prenantes dans les processus de gestion et de prise de décision. La transparence de la gouvernance doit être assurée par la mise à disposition du public des comptes et des processus d’évaluation de l’impact social.
Une politique de rémunération équitable doit être adoptée, limitant, par exemple, l’écart entre le salaire le plus élevé et le salaire le plus bas. Les fournisseurs doivent être sélectionnés sur la base de critères de durabilité sociale et environnementale, comme le prévoit la législation française.
Ces caractéristiques et exigences confirment la convergence entre l’économie sociale et les entreprises sociales, c’est pourquoi la voie qui me semble la plus appropriée, en termes législatifs, sera de reconnaître les entreprises sociales comme des entités de l’économie sociale.